A la fin, je me demande si en fait tout ça n’est pas qu’une histoire de schlips. Mais je pense qu’il faut que je vous explique un peu la genèse de toute cette triste et malheureuse affaire.
D’abord, qui sont ces fameux three amigos ? Ceux qui ont un Land Rover Defender ou Discovery savent peut-être de quoi je parle. Les three amigos sont le petit nom charmant d’un truc passablement agaçant qui affecte parfois (souvent) les Land Rover susnommées.
D’abord vous devez savoir que bien que de conception générale plutôt ancienne (1948, vous n’étiez même pas encore une lueur dans les yeux de votre père lorsqu’il regardait votre mère), les Defender TD5 ont un truc moderne appelé ABS (système d’antiblocage des freins, généralement composé de capteurs sur les axes de roues et d’un machin électronique). Ces capteurs permettent de connaître le régime de rotation de chacune des roues de votre 4×4 préféré et comme les ingénieurs de Land Rover sont des malins, ils ont profité de cet état de fait pour imaginer une application supplémentaire qui dans leur idée serait utile en tout terrain : le Traction Control. Un truc qui est une aide supplémentaire en cas de perte d’adhérence de l’une des roues d’un même essieu. C’est pas idiot en fait.
Revenons à nos trois amis. Les three amigos sont les trois petites lampes témoins de l’ABS, du Traction Control et du frein à main sur le tableau de bord du Defender. Quand vous mettez le contact, ils s’allument pour dire bonjour tout va bien. Ensuite, en temps normal, comme les autres petites lampes dont vous vous foutez royalement tant qu’elles restent sagement éteintes, Traction Control s’éteint tout seul, Frein à Main s’éteint lorsque vous desserrez le levier idoine et ABS reste allumé quelques secondes de plus, le temps que la voiture atteigne environ 7 km/h.
Mais le problème est que tout cela est fait entre autres de capteurs (qui sont en première ligne question projection de boues), d’une centrale hydraulique et un truc machin électronique qui supportent assez mal l’humidité. Et l’humidité et les Defender, c’est une histoire de vieux couple. N’oubliez pas, les Defender sont anglais, ils aiment l’humidité au point de la capter et de la garder à bord. On appelle ça water ingress, une longue et douloureuse histoire. La Guerre des Deux Roses à côté c’est que dalle.
Un autre composant du système ABS est la pompe vacuum. Autrefois, la vie était plus simple. Il y a très longtemps, les freins de voitures étaient actionnés par des câbles ou des tringles. Ça marchait pas mal, mais ça se déréglait un tant soit peu avec l’usure des garnitures de freins. On a donc essayé un autre moyen, l’hydraulique. Cela ne s’est pas fait en un jour, les premiers systèmes avaient des problèmes de fuite, il fallait une huile qui tienne à la chaleur dégagée par les freins et qui s’accommode de l’humidité. Même chez Rolls Royce, on avait des doutes : le modèle Silver Dawn (idem Bentley MkVI) avait des freins à câbles derrière et hydrauliques devant, histoire d’être sur. Avec les freins à tambours, l’hydraulique marchait assez bien ; mais avec l’augmentation de la vitesse (et du poids), on a dû remplacer les tambours (qui avaient un effet d’auto-serrage bien utile pour diminuer l’effort à la pédale) par des disques plus faciles à refroidir et ayant une plus grande surface de contact mais pas d’effet auto-serreur. Donc, pour diminuer l’effort, on a inventé un nouveau truc, le servo frein. Il fallait une force supplémentaire pour aider à appuyer sur les pistons de freins, on a pris ce qu’on avait sous la main : la dépression créée par le flux de l’air dans l’admission du moteur. Ça marchait très bien tant qu’on avait pas encore adapté l’anti-blocage aux voitures (en fait, quoiqu’en dise Bosch, c’est pas eux qui ont eu l’idée en premier : c’est les anglais pour les freins de leurs bombardiers durant la deuxième guerre mondiale). L’ABS étant un peu plus compliqué et nécessitant plus de force, les Defender sont équipés d’une pompe vacuum (à dépression, pour les non latinistes) actionnée par la courroie du moteur.
Comme beaucoup, j’ai eu affaire aux three amigos. La première fois, c’était sur l’autoroute en montant le toboggan de la N12 (pour ceux qui connaissent). Les trois se sont allumés d’un coup et sont restés à briller sottement jusqu’à ce que j’arrive chez moi. Tiens tiens, me suis-je dit. Pourquoi cela et pourquoi à ce moment-là? Un peu de googlianisme plus tard, j’avais découvert que cela était déjà arrivé à d’autres. Une des causes possibles étant un niveau d’huile de frein trop bas dans le petit bocal. C’était tout à fait cohérent avec mon cas : longue courbe à grande vitesse (environ 90 km/h), le capteur de niveau à dû déjauger un poil et signaler une alarme. J’ai donc vérifié le niveau et complété un peu (évitez de le faire si vous n’avez pas les 3 amigos : c’est normal que le niveau baisse avec l’usure des plaquettes de freins. Et si vous mettez le niveau à raz bord quand les plaquettes sont usées, ça va déborder quand vous les remplacerez par des neuves plus épaisses). Ô miracle, disparus les three amigos. Moi être très content et pas peu fier.
Ceci aurait été un non-événement si ces petits coquins n’avaient remontré le bout de leur nez quelques mois plus tard, quand le temps automnal était devenu vachement plus humide et froid. Niveau de liquide ok, je regarde un peu le reste. Un petit diagnostique avec la prise ODB confirme que c’est un défaut quelque part vers la shuttle valve et son switch. On fait risette, et on attend de voir si ça revient. C’est revenu… Quand il pleut et qu’il fait entre zéro et cinq degrés, ABS et TC s’allument. Zut et crotte, dit-il. Et puis, un jour où j’avais mis le siège passager en préchauffage électrique en prévision d’un passager douillet (oui, il y a cette option sur mon Def), j’ai constaté que nos petits amis se sont tenus à carreau. Sachant que le boîtier électronique de l’ABS se trouve exactement sous le placet chauffant du siège passager et que plus on chauffe une masse d’air moins son taux d’humidité relative est élevé, je réfléchis un peu et je me dit qu’il y a peut-être un lien. J’ai donc déshumidifié le véhicule au maximum, ventilé, enlevé les moquettes qui n’étaient pas parfaitement sèches, et généreusement vaporisé les prises électriques avec du spray adéquat. J’ai aussi mis un sachet de sel de silicate pour pomper l’humidité qui reviendrait montrer le bout de son nez.
Et c’est là que les schlips débarquent. Les schlips en question sont le petit bruit agaçant que faisait la courroie en cas de froid (schlips-schlips-schlips). Là-aussi, je vaporise un max (avec du silicone) pour atténuer ce bruit. Je gicle aussi un peu de WD40 sur les axes de poulies accessibles. Plus de schlips… et plus de three amigos.
Depuis deux mois, malgré le froid, la pluie et la neige, ils ne sont pas revenus. Pour l’instant, je remet donc à plus tard l’idée de remplacer la shuttle valve (dans les 1800 livres sterling tout de même) et autres opérations mécaniques plus ou moins chères. Wait and see (vieil adage mécanique).
De mes expériences, je tire deux explications plausibles à la panne et sa disparition : soit la chasse à l’humidité empêche un problème de mauvaise connexion dans l’électronique (l’électronique, c’est un truc du djâble), soit la lubrification de la poulie de la pompe vacuum améliore l’action de la centrale ABS et supprime la panne. Ou alors, c’est un peu des deux. Quoi qu’il en soit, je pense que mon vieux principe (qui dit: “avant de tout démonter et dépenser du fric, commence toujours par le truc plausible le plus facile et rapide et qui coûte pas cher”) est toujours valable et va probablement m’éviter des frais.
On va voir si les three amigos vont rester tranquilles dans les prochains mois ; et si c’est le cas, ben que mon expérience puisse éviter des dépenses inutiles à d’autres.
Adios amigos… Kaya woulou woulou.
Le Tardis des Suricates 